Un État étranger peut-il opposer son immunité de juridiction à une demande d’exequatur d’une décision de justice rendue par ses propres organes juridictionnels ? Telle est la principale question soumise au juge administratif français dans l’affaire Société gabonaise d’édition c/ Gabon. À ce jour, aucune convention internationale en vigueur ne prévoit une telle hypothèse. Il n’existe pas non plus de précédent dans la jurisprudence internationale. En droit français, comme en droit gabonais, il n’existe pas aussi de précédent ni de dispositions législatives expresses sur cette importante question. Dans ce cas d’espèce, le Conseil d’État français supplée ce vide juridique en ces termes : « selon les principes de droit international coutumier, les États bénéficient d’une immunité de juridiction lorsque l’acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l’exercice de la souveraineté de ces États. Un État peut opposer cette immunité à une demande d’exequatur d’une décision juridictionnelle, y compris si cette décision émane des juridictions de cet État ». Dans cet arrêt pionnier, il est en outre indiqué que l’usage de la force publique fait partie des actes de souveraineté qui bénéficient désormais de l’immunité. Cependant, la Haute juridiction administrative ne répond pas à la question, non encore résolue, de savoir s’il est possible pour le juge de l’exequatur de lever d’office l’immunité en cas d’usage disproportionné de la force militaire par l’État étranger. Or, cette question reçoit une résonance singulière à l’heure où, comme le démontrent les conflits israélo-palestinien et russo-ukrainien, la société internationale est marquée par le recours disproportionné à cette force. Cet usage disproportionné de la force militaire constitue aujourd’hui la principale cause de violation grave de la liberté de manifestation, du droit à la vie ou encore à l’intégrité physique. Ces écueils indiquent donc que l’arrêt Société gabonaise d’édition est une innovation d’ordre procédural à parachever.
Pour plus de précisions : https://www.labase-lextenso.fr/revue-du-droit-public/RDP200j4