D’une rive à l’autre : la vie du corps connaît d’incessants passages et n’advient que par passations et transformations. De la naissance à la mort, le corps embrasse, volontairement ou non, une diversité d’états, voire d’identités, et laisse son empreinte, son mouvement, de génération en génération.
Pour les 30 ans du Festival À Corps, ces journées d’étude s’intéressent à des artistes qui mettent le corps à l’ouvrage de ces traversées. Ils entreront en dialogue avec des personnalités du monde de la recherche pour déployer de nouveaux regards sur le corps comme espace d’hybridation et de transformation, à haute sensibilité politique et esthétique. Ces rencontres seront l’occasion de jouer avec et de déjouer les termes employés pour désigner ces pratiques qui font du corps le matériau premier de leur objet artistique : trans-, inter-, intra-, queer…
Il s’agira également de se questionner sur l’âge et notamment sur le rôle du corps âgé, dans la passation, la conservation et la pratique des œuvres d’art vivant. En quoi nos rapports à la transmission des connaissances, d’ordre artistique et sensible, ont-ils changé avec l’avènement de l’ère digitale ? Le corps pourrait-il être considéré comme l’un des derniers bastions d’une forme de transmission horizontale, égalitaire, « humaine » et incarnée de la connaissance ?
Ces journées d’étude souhaitent finalement mettre en lumière la réalité des artistes dits « transdisciplinaires » face aux institutions, afin de montrer comment leur travail, de la création à la diffusion, consiste en grande partie à s’ériger contre des catégories et des cases aux frontières fixes, encore présentes en France aujourd’hui.
PROGRAMME
Lundi 8 avril MSHS Salle de conférences
Dans le cadre de la semaine nationale du handicap …
11h Conférence de Florian Forestier
Écrivain et philosophe, Florian Forestier est né à Bâle en Suisse en 1981. Il est l’auteur d’ouvrages académiques et littéraires, en particulier les romans Basculer (Belfond, 2021), Un si beau bleu (Belfond, 2024, à paraître). Diagnostiqué porteur d’un trouble du spectre de l’autisme à l’âge de 25 ans, il s’applique à développer, à partir de sa situation personnelle, ses connaissances académiques et sa démarche littéraire, une compréhension spécifique de l’expérience de l’autisme, exprimée dans l’ouvrage Mes labyrinthes, paru aux Editions du Faubourg en novembre 2023.
Il travaille par ailleurs depuis plusieurs années à des questions de régulation numérique, en particulier avec le think tank #Leplus important, contexte dans lequel il est auteur de deux essais : Désubériser. Reprendre le contrôle (avec Franck Bonot, Odile Chagny et Mathias Dufour), Éditions du Faubourg, 2020, et Pour une nouvelle culture de l’attention (avec Stefana Broadbent, Mehdi Khamassi et Célia Zolynski) à paraître en avril 2024 chez Odile Jacob.
14h30 – 17h « Le Corps comme espace de jeu : quels passages ? »
Table ronde transdisciplinaire animée par Shirley Niclais (université de Poitiers) avec Jean-Luc Verna et Jonathan Capdevielle (artistes), Céline Lageot (université de Poitiers) suivie d’échanges avec le public.
Entre approche juridique et esthétique, cette table ronde réunit des artistes, chercheur.e.s et enseignant.e.s aux parcours hybrides. En lien étroit avec la singularité de la programmation du Festival À Corps, il s’agit de questionner les traversées d’un art à l’autre, d’une posture à l’autre, autant que d’un corps à l’autre. Nous tenterons de nommer ce qui circule, irrigue le travail de création et de recherche, le nourrit. Comment le corps en transformance navigue-t-il dans l’un ou l’autre des états de vie et d’œuvre ? Comment jouer de la plasticité, voire de la fluidité, des catégories, décomposer les cases instituées, et les faire entrer en résonance ?
Mardi 9 avril TAP auditorium
9h – 10h15 « Le Corps comme espace de transmission : quels passages ? »
Table ronde animée par Pauline Boivineau (université catholique de l’Ouest) avec Armelle Dousset et Matthieu Doze (artistes)
Qu’est-ce qu’une œuvre de répertoire en danse et comment s’en saisit-on lorsqu’on est un.e jeune artiste ? En évoquant notamment deux générations d’interprètes de Mauvais genre, pièce phare d’Alain Buffard, on s’intéressera à la façon dont les œuvres se transmettent. Entre reprise et recréation, cette table ronde sous la forme d’un entretien croisé invitera à penser la dimension transgénérationnelle de cette programmation des 30 ans du Festival À Corps
10h30 – 13h « Ce que l’âge apporte à la danse » (En partenariat avec l’OARA dans le cadre de la Rencontre professionnelle)
Table ronde animée par Cécile Proust (chorégraphe et chercheuse) avec Odile Azagury (artiste), Sylvie Balestra (artiste), Pauline Boivineau (historienne), Thierry Thieû Niang (artiste) et Elisabeth Schwartz (artiste et chercheuse)
Sur les scènes, la plupart des artistes chorégraphiques disparaissent au fur et à mesure que leur âge avance. Dans son projet « Ce que l’âge apporte à la danse », Cécile Proust rencontre, interroge et filme des chorégraphes qui ont résisté à cet effacement et dansent après 70 ans. Dans cette table ronde, la question est envisagée d’un point de vue à la fois artistique, social, somatique, poétique et politique.
Informations complémentaires
Intervenants
Céline Lageot
Céline Lageot est professeur de Droit public à l’université de Poitiers, spécialiste de droits de l’Homme et de droit comparé. Ses derniers travaux portent notamment sur le droit fondamental à disposer de sa mort (« Pour un droit fondamental à disposer de sa mort – ou lorsque l’injonction de vivre devient inhumaine » in La Mort, LGDJ, 2022) ; les discours de haine (« Discours de haine et liberté d’expression en droit comparé » in Les discours de haine, Presses universitaires de Limoges, 2023) ; les rapports entre cultures et libertés (Culture(s) et liberté(s), LGDJ, 2023) et la laïcité (La Laïcité, limite à la liberté de religion ?, Pédone, 2024) . Elle co-dirige le Centre d’Études sur la Coopération Juridique Interdisciplinaire (CECOJI) depuis 2017.
Jean-Luc Verna
Né le 24 août 1966, formé à l’École Nationale Supérieure d’Art de la Villa Arson, à Nice, Jean-Luc Verna commence son parcours par la pratique du dessin. Le trait s’y fait charnel, les corps fardés à l’esthétique parnassienne laissent alors entrevoir un monde héroïque où Aphrodite se fait gitane, où le sublime côtoie le désespoir. Mais le projet artistique de Jean-Luc Verna dépasse la simple surface, plane, du papier. Qu’il soit acteur transgenre pour Brice Dellsperger dans la série des films Body Double, performeur pour la chorégraphe Gisèle Vienne ou encore chanteur du groupe I apologize, Jean-Luc Verna ne cesse de réinventer une histoire de l’anatomie humaine. Utilisant son propre corps comme modèle qu’il met en scène, nu, face à l’objectif, Jean-Luc Verna réinvente un panthéon où se croisent et se mixent deux univers singuliers : l’histoire de l’art et l’imagerie rock. Avec minutie, il cherche des correspondances visuelles et mimétiques entre la représentation du corps comme dans la sculpture gréco-romaine, dans la peinture maniériste ou la photographie contemporaine avec des attitudes de rock star lors de concerts enregistrés. Nina Hagen se transforme alors en petite danseuse de Degas ; Siouxsie Sioux, son égérie, devient déesse égyptienne, nymphe, Grâce. Les postures et attitudes se réactivent ainsi à travers les siècles et les conventions.
Jonathan Capdevieille
Né en 1976, formé à l’École Supérieure Nationale des Arts de la Marionnette, Jonathan Capdevielle est interprète pour Marielle Pinsard, Yves-Noël Genod, ou encore Vincent Thomasset. Il collabore également avec Gisèle Vienne sur la plupart de ses spectacles, dont Showroomdummies (avec Étienne Bideau-Rey, 2001), I Apologize (2004) ou encore Jerk (2008). En 2007, Jonathan Capdevielle crée la performance Jonathan Covering au Festival Tanz im August à Berlin, point de départ de sa pièce Adishatz/Adieu (2010). Il y explore la question de l’identité, de la mémoire et de la confusion des genres, thématiques qui se retrouvent dans ses spectacles ultérieurs, dont Saga (2015) et Cabaret Apocalypse (2017). En novembre 2017, il signe À nous deux maintenant, adaptation du roman Un crime de Georges Bernanos ; puis en 2019, Rémi, d’après Sans famille d’Hector Malot, un diptyque composé d’un spectacle et d’une fiction audio. Il poursuit également des collaborations avec plusieurs artistes dont Jérôme Marin et Marco Berrettini pour Music All (2021) et Jean-Luc Verna pour Sinistre et festive (2023). Jonathan Capdevielle est artiste associé au T2G Théâtre de Gennevilliers et membre de l’Ensemble Associé au Théâtre des 13 vents, Centre Dramatique National de Montpellier.
Armelle Dousset
Après une licence d’Arts du spectacle en mention cinéma à l’université de Poitiers, Armelle Dousset obtient le diplôme d’artiste chorégraphique du CNDC d’Angers, tout en pratiquant parallèlement l’accordéon, le chant et le piano. Interprète pour de nombreux chorégraphes et metteurs en scène (L’Encyclopédie de la parole, Alain Buffard, la compagnie La Cavale, la compagnie Le Théâtre dans la Forêt…), elle réalise également des clips musicaux. Elle compose et interprète ses musiques dans différentes formations, dont Rhizottome (projet Lauréat de la Villa Kujoyama 2015), duo qui effectue des tournées en Europe, en Asie et en Afrique.
Matthieu Doze
Interprète de danse contemporaine, Matthieu Doze fait route avec Dominique Bagouet, Daniel Larrieu, Olivia Grandville, Alain Buffard, le Quatuor Albrecht Knust, Loïc Touzé, Christian Rizzo, Emmanuelle Huynh, Fanny de Chaillé, Claudia Triozzi, Fabrice Ramalingom… Attentif aux rencontres, il coopère aussi bien avec des plasticiens, des cinéastes, des metteurs en scène, des musiciens, ou encore des photographes. Depuis Sous eXposé, performance pour un danseur, deux assistants et trois projecteurs super 8, présenté à Tours dans la cave d’un café en 1996, son travail cherche à projeter le corps, ses mouvements, ses gestes dans des espaces singuliers. Toujours soucieux d’ici et de maintenant, de poétique et de politique, il propose des dispositifs trans-média : performances, installations, films, partitions sonores, enseignements… Depuis 2007, il signe les paysages sonores de pièces pour RAMa/Fabrice Ramalingom, Múa/Emmanuelle Huynh et mille plateaux/Olivia Grandville_ccn La Rochelle.
Shirley Niclais
Shirley Niclais est maîtresse de conférences en Arts du spectacle à l’université de Poitiers, chercheuse au laboratoire FoReLLIS, artiste de performance et marionnettiste. Elle consacre ses recherches aux mouvements de réifications et de réanimations de la figure humaine qui parcourent une certaine scène contemporaine, qu’elle soit théâtrale, chorégraphique ou plasticienne. Interprète pour le peintre, sculpteur, performeur et chorégraphe Olivier de Sagazan depuis 2016, elle dirige également des projets de recherche-création au sein du collectif NEKUIA, à la croisée des arts du geste, de l’objet, et du théâtre documentaire.
Pauline Boivineau
Pauline Boivineau est maîtresse de conférences en Arts du spectacle à l’université catholique de l’Ouest à Angers. Elle est autrice d’une thèse intitulée « Danse contemporaine, genre et féminisme en France (1968-2015) » et poursuit ses recherches sur les questions de genre et de féminisme permettant de proposer une lecture renouvelée de l’histoire de la danse et d’articuler danse et politique en contexte. Elle s’intéresse également au concept de scène artistique, plus précisément à la danse contemporaine à Nantes et à sa capacité à faire scène. Cette recherche s’étend aux dispositifs d’accompagnement des artistes émergents.